Je n'avais pas vu Andrew depuis quatre jours maintenant et cela n'avait rien d'exceptionnel. Personne ou presque ne savait pour nous, ma propre famille l'ignorait, alors il était compliqué de se voir. Soit on travaillait en même temps, soit l'un travaillait et pas l'autre, soit on ne pouvait pas s'absenter, nos familles finiraient par se poser des questions si l'on s'absentait trop souvent sans véritables raisons. Aujourd'hui je finissais plus tôt que d'habitude, je rattrapais des heures supplémentaires que j'avais fait la semaine dernière, alors je décidais de me rendre au cabinet où travaillait ce cher Andrew, lui faisant ainsi une petite surprise. Arrivée là-bas, je me dirigeais directement vers la salle où travaillait Andrew. Il y avait plusieurs infirmiers ici, les locaux étant trop chers pour une seule personne et je ne croisais aucun de ses collègues. M'asseyant sur une chaise face à la salle de ce dernier, j'attendais qu'il sorte. Les minutes étaient longues, mais si quelqu'un était avec lui, je ne pouvais pas entrer comme ça. Je devais être aux yeux des autres une simple patiente. Après tout, il n'était pas rare d'aller voir les infirmiers pour un petit bobo, les médecins étant bien trop chers, les infirmiers les remplaçaient dans bien des domaines. Il sortait enfin de sa salle, je me levais donc et je ne me jetais pas dans ses bras, bien que l'envie ne me manquait pas, lui lâchant doucement au passage : « voilà ce qu'on est obligé de faire pour se voir. » On ressemblait un peu à deux adolescents vivant une histoire secrète, sauf qu'on était bien plus âgé et que ça en devenait stupide.

Je ne comprenais pas ce que je faisais avec lui, je ne comprenais pas comment je pouvais aimer quelqu'un comme lui, mais je l'aimais et c'était en train de me faire faire n'importe quoi. Jamais je n'aurais pu imaginer qu'un jour je sortirais avec un sorcier, encore mariée, et en devant me cacher pour le voir. Ça ne me ressemblait tellement pas tout ça. Et pourtant, j'aimais Andrew au point de faire toutes ces choses et au point de trahir la République. Souvent je me sentais responsable, mal, je me dégoutais, mais je ne pouvais pas lutter, c'était plus fort que moi. Bref, encore une fois, je m'étais rendue sur le lieu de travail d'Andrew pour le voir, en cachette. J'attendais patiemment, assise, en observant les alentours, qu'il sorte de l'une des salles. Il était sorti, alors sans attendre je m'étais dirigée vers lui, lui adressant au passage une petite réflexion sur le fait qu'on devait faire n'importe quoi pour se voir. En entrant dans l'une des salles, j'attendais qu'il referme la porte et qu'il revienne vers moi. Il m'avait devancé en m'embrassant avant que je ne le fasse. Quatre jours, c'était plutôt long. Je l'écoutais me dire que j'étais la femme de sa vie et que nous aurions un futur ensemble, ce qui m'avait fait rire. Oui, c'était horrible de rire de ça, mais c'était comme ça. Nous devions être réaliste, jamais nous n'aurions un futur ensemble. J'ignorais même ce qu'on faisait ensemble, on se faisait du mal pour rien, retardant le moment où l'on devrait se séparer pour notre propre bien et celui de nos familles. « Ça ne sert à rien de se donner de faux espoirs, on ne pourra jamais vivre ensemble, même si tu sembles vraiment le croire. » Et ça, j'en étais persuadée. Même si personne ne savait qu'il était sorcier, jamais je ne prendrais le risque pour ma famille. « Je n'ai toujours aucune nouvelle pour le divorce, je crois qu'ils m'ont oublié. » Ajoutais-je en plaisantant. Oui, j'arrivais à plaisanter de ça, alors que moi, pour nous, c'était quelque chose d'important. « Bref, ta journée s'est bien passée ? »

Notre relation était plutôt étrange. On s'aimait, mais j'étais convaincue que notre relation ne durerait pas. Pas plus de quelques années. Je sentais la fin approcher. Je me contentais de secouer ma tête de haut en bas lorsqu'il m'avait répondu à propos de sa journée. Il semblait ne pas vouloir relever mes précédentes paroles. Enfin, je le croyais, mais il avait rapidement recommencé. « Ne parle pas comme ça Andrew, ils font ça pour notre bien. » et ça, j'en était convaincu. Bref, je répondais maintenant à sa première question, oubliant le fait qu'il ait critiqué la République. «Parce que l'amour, c'est un truc con qui fait faire des choses stupides. Je suis avec toi parce que je t'aime et j'ai envie de profiter le temps que ça dure, même si ça nous fera souffrir encore plus. » Il continuait en assurant que sans sa famille, il montrerait sa véritable nature. Je ne répondais pas à ça, ce n'était que de la provocation. « Tu n'as pas encore été découvert, mais vous le serez tous. On gagnera cette guerre et tu perdras. Le jour où le gouvernement le découvrira, je ne veux pas mettre en danger ma famille. Tu peux comprendre ça, quand même ? » Il était fou de penser qu'il allait pouvoir se cacher toute sa vie. Nous gagnerions cette guerre et nous les tuerons tous. Il le fallait. La question qu'il posait maintenant était horrible, parce que je m'étais souvent posée la question, je n'avais pas de réponse exacte. Je le poussais légèrement pour marcher un peu dans la pièce, m'éloignant de lui. Je n'étais pas venue ici pour me disputer avec lui, mais je lui devais d'être franche. « Je te l'ai dit, l'amour ça fait faire des conneries. Je prends des risques pour l'instant, je t'aime trop pour te dénoncer. Mais si un jour quelque chose me force à le faire, alors je le ferai. Sans hésiter. » Voilà, l'horreur lancée, mais c'était avant tout, la vérité.

« Pour notre bien. Pas le votre. » Je faisais une différence entre lui et moi. J'étais humaine, pas lui et c'était un détail qui avait son importance. Je ne répondais rien à sa phrase sur l'amour. Je n'étais pas vraiment d'accord avec ça et je n'avais pas envie d'en débattre pendant des heures. « Beaucoup plus nombreux ? C'est-à-dire ? » Il savait des choses intéressantes sur son espèce très certainement. Notamment le nombre. Chose que les humains ignoraient et qui était pourtant essentiel. « Il y aura une guerre Andrew. Bientôt. Et vous serez tous éliminé contrairement à ce que tu penses. Nous sommes plus forts que vous, nous sommes chez nous. Vous avez commis assez d'horreurs ici, il est temps qu'on en finisse. » Ce que je disais devait être terrible à entendre, mais j'étais sérieuse et convaincue de détenir la vérité. « Qu'est-ce que tu ne comprends pas ? Même si vous n'utilisez pas vos pouvoirs, vous n'êtes pas comme nous, vous êtes différents, on vous reconnaitra tous. » A sa dernière question, j'avais été franche et je lui avais dit que si pour l'instant je ne l'avais pas dénoncé, je le ferai si cela s'avérait nécessaire. Sa réponse ne me plaisait pas du tout. Il voulait jouer à ça ? Il ne devrait pas en sachant de quoi j'étais pourtant capable. A mon tour de crier, je pouvais m'énerver moi aussi. « Je t'interdis de faire ça Andrew. Vraiment, je ne plaisante pas. » Je devais avoir l'air ridicule, mais je n'avais rien d'autre que les menaces pour me défendre. « Pense à ta famille. »

« Et pourquoi tu me caches des choses comme ça ? On est censé tout se dire non ? » Il avait peur ? Ou il ne voulait pas dévoiler leurs atouts ? Il se préparait peut-être quelque chose dans notre dos. « C'est dans votre nature d'être mauvais, vous ne pouvez pas lutter. Tout ce qu'on a fait, c'était pour se défendre. On a jamais attaqué les premiers. Vous vouliez nous tuer, vous avez perdu. » Et j'en étais persuadée. Les livres nous racontaient ça. Les sorciers attaquaient et on se défendait. On luttait pour notre survie comme le ferait n'importe qui. Ces monstres ne devaient jamais gagner. Nous étions chez nous. Pas eux. « Ne dis pas n'importe quoi. Vous nous ressemblez physiquement, mais c'est tout. On est totalement différent. On ne peut pas comparer les humains aux sorciers. » Et je le pensais vraiment encore une fois. Les humains étaient bons contrairement aux sorciers, ils méritaient de vivre.

Voilà, maintenant, il voulait me quitter, mettre fin à notre relation. J'avais pris de nombreux risques pour lui et il me remerciait comme ça ? Voilà, le monstre qu'il était. Il prenait ça pour un ordre, ce n'en était pas vraiment un dans le fond. Même si ça pouvait y faire penser. Je le menaçais alors, en lui disant de penser à sa famille. Je n'hésiterai pas à les dénoncer un par un. « Bien sur que je t'aime crétin. » Je hurlais à présent. J'en avais marre. « Je veux être avec toi pour l'instant, pas avec quelqu'un d'autre. » Il m'emmerdait à parler de me trouver quelqu'un d'autre. J'étais assez grande pour savoir ce que je voulais et c'était lui pour l'instant. « Andrew, je te jure que si tu me quittes, je vous dénoncerai un par un. Tu sais que j'en suis capable alors ne fais pas n'importe quoi.» Je faisais une pause et j'ajoutais une chose ridicule dans ce genre de situation : « S'il te plait. »

« Donc tu fais passer ton espèce avant la femme que tu dis aimer ? » Je ne trouvais pas ça logique. Pour moi, on devait tout se dire, ne jamais rien vouloir se cacher. Il préférait les siens à moi, celle qui disait aimer. Bien sur, ils étaient de leur côté, il était de la même espèce qu'eux, mais quand même, il n'arrêtait pas de répondre qu'il était différent. Ce n'était pas le cas. En me révélant ça, il aurait pu me rassurer sur sa véritable nature. A mes yeux, il était le seul sorcier à n'avoir jamais été totalement un monstre. Un peu de part sa nature, il n'y pouvait rien, mais son comportement et son caractère ne faisait pas de lui ce monstre, au contraire. « C'est écrit par des gens qui ont vécu ces guerres, qui ont soufferts, qui ont vu de quoi vous étiez capables. Des gens qui nous mettent en garde pour notre bien, pour nous protéger. » Toutes ces histoires, je les connaissais depuis toujours. Les sanguinaires monstres qui attaquent tout le monde. Petite fille, j'en faisais des cauchemars, les sorciers étaient ma plus grande crainte. Aujourd'hui, je les déteste plus que je n'ai peur d'eux. « Ne nous fait pas passer pour les méchants de l'histoire, n'inverse pas les rôles comme ça. Forcément de votre point de vue nous sommes mauvais, on vous tue tous, les uns après les autres, alors vous ne pouvez pas nous voir comme nous sommes réellement. » Ils étaient les méchants de l'histoire, mais nous étions les vainqueurs, ceux qui les exterminaient, ils ne pouvaient pas comprendre pourquoi on faisait ça, et je comprenais parfaitement ça. Ils ne pouvaient pas aimer les humains alors que les humains les tuaient tous, mais ils n'arrivaient pas à comprendre que nous avions de très bonnes raisons pour tous les tuer. « Est-ce que j'ai l'air de lutter ? Je m'en fiche de souffrir, je veux vivre ce qu'on a à vivre, même si ça ne doit plus durer que quelques mois. »

Je m'abaissais par réflexe lorsque j'entendis le bruit d'un verre qui se brisait. J'ignorais ce qu'il venait de se passer, tout avait été trop rapide. Mais rapidement, j'avais remarqué qu'Andrew semblait être blessé. « Arrête, je ne risque rien. » Il y a quelques minutes, il voulait me quitter et là, il pensait à me protéger. Pour moi, ça n'avait rien de logique. Sa blessure n'avait pas l'air importante, sa vie n'était certainement pas en danger. La dernière phrase qu'il avait prononcé était celle de trop. Ma main allait toucher aussi violemment que possible sa joue. Il la méritait cette gifle, dire ça, c'était dégueulasse. « Ferme-la Andrew, d'accord ? » Je m'approchais de lui pour lui attraper la main. « On devrait bouger et ne pas rester devant la fenêtre, il pourrait recommencer et ne pas te rater cette fois-ci. On ne devrait pas non plus sortir du bâtiment pour l'instant, s'il a remarqué qu'il t'a raté, il peut attendre. » J'étais en train de réfléchir en fait, à voix haute. « Il doit bien y avoir une pièce sans fenêtre, une pièce protégée, une pièce où on ne peut pas nous voir de l'extérieur ? » Nous étions dans la merde. Lui parce que quelqu'un semblait l'avoir découvert, moi parce que j'étais avec lui et j'étais au courant de sa véritable nature. « A part moi, quelqu'un est au courant de qui tu es ? Tu en as parlé à d'autres humains ? » Ce n'était pas le genre de chose qu'on criait sur les toits, mais peut-être en avait-il parlé à des amis ou quelque chose comme ça. « Andrew, tu n'as rien fait ? » Comme tuer quelqu'un ou se servir de ses pouvoirs, ce que les autres de son espèce faisaient sans cesse.

« Je ne te demande pas leur nom. » C'est vrai, à donner un nombre, il ne faisait perdre l'anonymat de personne. Enfin, je n'insistais pas plus, je ne voulais pas discuter de ça des heures. Oui j'avais raison, même s'il disait ça juste pour me faire plaisir. Notre seule erreur, à nous les humains, et de ne pas avoir réussi à tous les tuer. Nous n'avons fait que nous défendre et personne ne doit s'en vouloir pour ça. Bref, nous voilà sur autre chose, pour moi, il n'y avait personne de bon dans son espèce, à part peut-être lui. Sauf s'il cachait bien son jeu. J'étais la fille d'un chasseur et d'une gardienne des portes de la ville, mes frères travaillaient au service de la République, alors s'il voulait s'en prendre à ceux qui tuaient son espèce, c'était un excellent début. « Et tu crois que j'ai envie de souffrir moi ? Je n'ai pas choisi de tomber amoureuse d'un sorcier. Si seulement tu avais été humain, tout aurait été plus simple. »

Pas le temps d'en dire beaucoup plus, puisqu'Andrew venait d'être attaqué. Un chasseur venait de le toucher au bras avec cette poudre qui paralyse les pouvoirs des sorciers. Après sa remarque et après l'avoir giflé, je l'avais pris par la main pour lui dire qu'on devait partir, se cacher, qu'on ne pouvait pas sortir. Le chasseur risquait en effet d'être caché quelque part, attendant Andrew, s'il savait qu'il l'avait raté. Je ne pouvais pas sortir non plus, je risquais de me faire attraper également. « Merci pour cette réflexion intelligente qui tombe à un moment parfait. » On avait besoin de lumière ? Première grande nouvelle qui allait nous sortir de cette histoire. Je lui posais alors un tas de questions, cherchant à comprendre et ne pouvant pas rester silencieuse dans un moment pareil. « L'un des tiens a pu te balancer en échange de quelque chose. » Ils étaient comme ça les sorciers, mauvais, à la recherche du profit. « Ce n'est pas le moment de se disputer Andrew alors ferme-la. » D'accord, je ne lui faisais pas entièrement confiance. C'était un sorcier et à mes yeux il pouvait tuer n'importe qui, n'importe quand. Mais ce n'était pas le moment de se disputer. Il m'avait emmené dans une salle, sans fenêtre. Du moins, je le croyais. Il me poussait à l'intérieur et j'entendais le verrou se refermer. Je tapais aussi fort que je le pouvais. « Tu es un menteur comme tout ceux de ton espèce. Ouvre-moi tout de suite. » Il n'ouvrait pas, j'entendais même les pas qui s'éloignaient. Puis de nouveaux qui s'approchaient, j'avais même l'impression que quelqu'un s'approchait de la porte où j'étais. Je me taisais alors, faisant le tour de la pièce du regard. Il y avait une fenêtre, je l'ouvrais et je m'imaginais passer par-dessus pour entrer dans une autre pièce, mais ce serait trop long. Pourtant, j'allais le faire, juste pour donner une chance à Andrew. Puis j'entendis la voix de ce chasseur, je le connaissais. Je l'entendais depuis que j'étais toute petite, il était souvent chez nous, c'était un ami de mon père. Il me connaissait pour lui comme pour tous les autres, j'étais la gentille petite Astrid, au service de la République, celle qui avait dénoncé son mari pour la République, celle qui détestait les sorciers plus que tout. J'étais une des enfants presque parfaites aux yeux de la République. Je priais pour qu'Andrew me fasse confiance et ne dise rien, ses pouvoirs étaient neutralisés, il ne pouvait rien faire et ce chasseur me connaissait depuis que j'étais toute petite, s'il me reconnaissait, c'était gagné. Il me fallait quelque chose, c'était une sorte de salle où tout était entreposé, mes yeux se posèrent sur une sorte de ciseau dont j'ignorai le nom, un instrument dont les infirmiers se servaient ici. A croire que le destin faisait tout pour que je protège Andrew, je l'attrapais. Tout ça n'avait duré que quelques secondes, moins d'une minute. Je hurlais alors le prénom de ce chasseur, espérant qu'il m'écoute, qu'il me reconnaisse, j'espérais que le destin soit encore de mon côté. « C'est Astrid, ouvre-moi, s'il te plait, ne fais rien, fais moi confiance, je t'en prie. » Combien y avait-il de chances pour que cela fonctionne ? Très peu, mais ça fonctionnait. Le verrou s'était ouvert. Je n'avais rien entendu, Andrew devait être vivant et je n'avais entendu personne bouger, le chasseur n'avait donc certainement eu qu'à bouger son bras pour ouvrir, il devait être devant. Je ne réfléchissais pas, je sortais de cette pièce à toute vitesse en enfonçant l'objet que j'avais dans les mains dans son cou. Ne réfléchissant pas tout de suite à ce que je venais de faire, je le voyais porter ses mains à sa blessure, blessure qui allait le tuer et je m'excusais, encore et encore, ne lançant pas un seul regard à Andrew, comprenant ce que je venais de faire. Il était tombé par terre, je m'étais agenouillée, je portais mes mains à sa blessure, comme ci ce geste ridicule pouvait le soigner et je continuais à m'excuser.

Ils étaient tous pareil ces sorciers. Il avait eu des problèmes avec certains d'entre-eux disait-il et donc, il n'était pas impossible que quelqu'un l'ait dénoncé. Génial. Notre relation était compliquée, si en plus, tous les chasseurs de la ville étaient à sa poursuite, nous n'allions pas nous en sortir. Il avait réussi à m'enfermer dans une des pièces, pretextant qu'on allait s'y cacher. Je tapais contre la porte, en hurlant qu'il n'était qu'un menteur. Il n'avait pas le droit de faire ça, j'étais assez grande pour décider pour moi-même. Il  osait me dire de la fermer. Je ne répondais rien, il avait raison. Une partie de moi se disait même que je pouvais rester cacher, ne rien dire, le laisser se faire tuer et je ne m'étais ni ma famille, ni moi en danger et je me sentais horrible.

Il ne s'était pas passé plus de deux minutes et ce fut pourtant deux minutes qui allaient certainement changer ma vie. Le chasseur qui attaquait Andrew, je le connaissais. Il s'agissait d'un ami de mon père. Tout ce qui s'était ensuite passé semblait sortir tout droit d'un cauchemar. Jamais je n'aurais pu croire que lui demander de l'ouvrir sans tuer le sorcier qu'il avait face à lui fonctionnerait et pourtant si. Jamais je n'aurais cru pouvoir sortir de cette pièce et lui enfoncer ce ciseau dans la gorge et pourtant si. Je venais de tuer un homme, un chasseur, quelqu'un que j'admirais, quelqu'un qui respectait plus que tout la République pour un sorcier, quelqu'un d'une race que je détestais et contre qui je luttais. Andrew ne s'approchait pas, il avait certainement raison. J'étais à genoux, devant cette personne que je venais de tuer, les mains sur sa blessure. Je le laissais parler, je ne répondais pas, je ne réagissais pas. J'essayais de comprendre ce que je venais de faire : je venais de tuer un homme. Je venais de tuer un homme. Je venais de faire quelqu'un que jamais je ne pourrais réparer. Je ne pouvais pas dire combien de minutes s'étaient écoulées avant que je ne lui parle, toujours dans la même position, les mains sur la blessure qui avait tué le chasseur, l'ami de mon père. Les yeux perdus dans le vide, les larmes coulaient désormais, au fur et à mesure, je prenais conscience de l'horreur que j'avais commise en voyant son corps immobile. Toujours agenouillée, je tournais mon visage vers Andrew, en colère, triste. « Non. Non. Il n'est pas mort d'accord ? On va faire quelque chose, on peut le sauver. Tu es infirmier, tu es sorcier, tu dois bien pouvoir faire quelque chose, non ? » Mon regard se posait de nouveau sur le cadavre de cet homme, il était vivant, je devais m'en persuader. « Tu vas le soigner Andrew. » Je ne pouvais pas avoir tué un homme, j'étais quelqu'un de bien. « Je voulais pas, j'te jure. J'ai pas réfléchi, j'ai... J'voulais pas Andrew. Soigne-le, s'il te plait. »